Déplacer un objet macroscopique grâce à un système quantique

Déplacer un objet macroscopique grâce à un système quantique

Une équipe de physiciennes et de physiciens est parvenue à mettre en mouvement une structure mécanique par manipulation optique de l’état quantique d’un atome artificiel unique. Ce travail ouvre la voie à l’émergence d’interfaces intégrant des degrés de liberté mécaniques pour les technologies quantiques.

La manipulation et la préservation des propriétés quantiques de la matière font partie des grands défis scientifiques et technologiques du futur : La robustesse de l’information quantique et la fiabilité de son acheminement sont en effet des aspects clé dans la perspective du déploiement de réseaux numériques quantiques.

Le talon d’Achille de l’information quantique réside en son extrême fragilité : L’état d’un qubit interagissant avec un grand nombre de degrés de liberté externes a ainsi tendance à être rapidement brouillé. Ceci explique la difficulté d’intégrer un grand nombre de qubits dans les ordinateurs quantiques (chaque qubit représentant un degré de liberté externe pour les autres), mais également le problème de l’extraction de cette information, qui nécessite de coupler les qubits aux (très nombreux) degrés de liberté du monde extérieur.

En démontrant l’actuation d’un micro-fil mécanique par manipulation optique de l’état d’un atome artificiel, une équipe associant des physiciennes et des physiciens de l’Institut Néel, du CEA IRIG, de l’ENS Lyon, de l’Université de Campinas, et de l’Université de Nottingham a franchi une étape importante dans la conception d’une interface permettant de transférer de l’information quantique vers des systèmes macroscopiques. Le dispositif mis au point par l’équipe de chercheuses et de chercheurs consiste en un micro-fil conique semi-conducteur d’arséniure de gallium long de 18 µm, à la base duquel une boîte quantique d’arséniure d’indium est implantée, décalée par rapport à l’axe de symétrie. L’état excité de ce type de boîte quantique correspond à la formation d’une paire électron-trou, également appelée exciton. La présence de cet exciton dans la boîte quantique modifie son volume effectif, ce qui entraine une modification importante du champ de contraintes parcourant le micro-fil. La boîte se trouvant en dehors de l’axe de symétrie, ces contraintes entraînent une déflexion, qui est utilisée pour mettre en mouvement le fil. Expérimentalement, l’équipe utilise les impulsions d’un laser accordé sur la transition de la boîte quantique afin de former périodiquement ces excitons. La vibration du micro-fil résultante est détectée de manière synchrone par une technique optique ultra-sensible. Ce travail est publié dans la revue Nature Nanotechnology.

L’un des défis majeur relevé par les scientifiques pour parvenir à ces résultats tient à l’intervention de multiples degrés de liberté inhérents à la nature macroscopique du micro-fil et de son couplage à la boîte. Ainsi, l’expérience a dû être répétée un grand nombre de fois afin de moyenner ces effets, ce qui requiert un dispositif d’une extrême stabilité.

Si des progrès importants demeurent nécessaires dans la perspective de faire de ce concept une interface permettant de transférer des états quantiques non-classique sur des systèmes macroscopiques robustes, cette preuve de principe ouvre la voie et pose les bases d’une approche qui apparait comme l’une des plus prometteuses dans le contexte du déploiement des technologies quantiques.

Pour en savoir plus :
J. Kettler et al., “Inducing micromechanical motion by optical excitation of a single quantum dot,” Nature Nanotech. 16, 283–287 (2021)
https://doi.org/10.1038/s41565-020-00814-y