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Des canettes à l'unisson pour créer des superlentilles
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- Publié le jeudi 17 décembre 2015 13:32
Souffler dans une canette de soda émet un son presque pur de 420 hertz. En faisant résonner des canettes disposées en nid d'abeilles, des chercheurs de l'Institut Langevin ont obtenu un métamatériau acoustique capable de réfracter négativement une onde acoustique audible, à la manière d'une superlentille. Ces résultats ont été publiés dans Nature.
Dans les milieux naturels, la propagation des ondes est régie par deux paramètres : le type d’atomes constituant un matériau et leur organisation spatiale. Depuis plusieurs années, les physiciens cherchent à reproduire ces interactions des ondes avec la matière à des échelles spatiales plus grandes, la distance interatomique étant de l’ordre de l’angström (10-10), et des fréquences plus basses que le domaine optique. Pour ce faire, ils ont imaginé des matériaux artificiels capables de propager, réfléchir, diffracter ou absorber les ondes à la manière des matériaux naturels. Les travaux menés dans ce sens depuis ces 30 dernières années par la communauté de la physique des ondes ont permis de différencier deux classes de matériaux composites : les cristaux photoniques/phononiques d’une part, basés sur la structuration du milieu de propagation, et les matématériaux d’autre part, dont les propriétés électromagnétiques découlent de la nature des objets composant le milieu. Jusqu’alors, les propriétés des cristaux photoniques et des métamatériaux avaient toujours été considérées comme opposées. En effet, contrairement aux cristaux photoniques, les métamatériaux s’organisent à une échelle bien plus basse que la longueur d’onde de réponse, si bien que l’on a considéré que leur caractère périodique n’avait aucune influence sur la propagation des ondes.
Des chercheurs de l’Institut Langevin (CNRS/ESPCI ParisTech) ont outrepassé cette idée préconçue et ont démontré que des phénomènes de propagation des ondes normalement propres aux cristaux photoniques pouvaient être obtenus en structurant spatialement des métamatériaux. Ils se sont pour cela intéressés à l’étude de la réfraction négative, qui requiert d’avoir un matériau présentant une permittivité et une perméabilité négatives en électromagnétisme (ou une densité et une compressibilité négatives en acoustique). Il s’agit pour les physiciens d’observer la propagation d’une onde à la frontière entre deux milieux et de constater la déviation du rayon à cette interface. Ce phénomène était généralement observé dans des métamatériaux présentant deux éléments différents résonants. Ici seul un élément est utilisé mais la périodicité de celui-ci dans l’espace joue un rôle fondamental.
Lors de cette expérience acoustique, l’équipe de recherche de l’Institut Langevin a constitué un réseau de canettes de soda positionnées en nid d’abeilles. Souffler dans une canette de 33 centilitres est une mise en évidence de son caractère acoustiquement résonant : une onde sonore presque pure de 420 Hz est émise, fréquence pour laquelle la longueur d’onde est de l’ordre du mètre. La cannette est donc un objet microscopique (comparé à la longueur d’onde considérée) qui interagit de manière résonante avec le son : un réseau de canettes est donc un métamatériau acoustique. L’organisation en nid d’abeille, que l’on retrouve par exemple dans le graphène, lui confère alors des propriétés inattendues pour un métamatériau, mais déjà observées dans le cas des cristaux phononiques. Une tranche d’espace composée d’un tel milieu est en effet capable de focaliser des ondes acoustiques à la sortie, créant un effet « lentille ». Autrement dit : les chercheurs sont parvenus à réfracter négativement une onde acoustique audible. De plus, la focalisation qu’ils ont obtenue est plus fine que la limite théorique d’une lentille conventionnelle. Il s’agit de la première démonstration en acoustique d’une superlentille, un composant qui permet de focaliser en-dessous de la limite de diffraction et donc de rendre compte de détails plus fins que la longueur d’onde utilisée dans le cas de l’imagerie. Les superlentilles exploitent en effet un indice de réfraction négatif dans les métamatériaux pour s’affranchir de la limite de diffraction.
Ces résultats devraient permettre une transposition directe à d’autres types d’ondes tout en ouvrant des horizons sur les métamatériaux cristallins.Référence
Nadège Kaina, Fabrice Lemoult, Mathias Fink, Geoffroy Lerosey, Negative refractive index and acoustic superlens from multiple scattering in single negative metamaterials, Nature 525, 77–81, publié le 3 septembre 2015.
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