Cinéma moléculaire ultra-rapide : voir les protéines absorber la lumière
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- Publié le mercredi 10 janvier 2018 15:07
La microscopie optique super-résolution, ou « nanoscopie », a révolutionné l’imagerie du vivant, grâce au marquage des molécules à imager avec des protéines fluorescentes dites « photo-commutables ». Ces minuscules interrupteurs moléculaires passent réversiblement d’un état fluorescent (on) à un état éteint (off) après excitation par un flash lumineux (on parle de photo-commutation). Pour les concevoir sur mesure, il est nécessaire de comprendre leurs mécanismes de photo-commutation, qui impliquent des états transitoires ultra-rapides.
Pour la première fois, les scientifiques ont pu filmer la commutation en temps réel d'une protéine fluorescente en utilisant une toute nouvelle génération de source de rayons X, les lasers à électrons libres (XFEL, pour X-ray free electron laser). Ces dispositifs produisent des impulsions de rayons X très courtes de l’ordre de la femtoseconde (un millionième de milliardième de seconde) et très intenses au coeur d'une installation longue de plusieurs kilomètres.
Au centre de l'accélérateur linéaire de Stanford (SLAC Linear Accelerator Center), les auteurs de l’étude ont fait coïncider un flux de minuscules cristaux de la protéine fluorescente avec les impulsions de rayons X, collectant ainsi une myriade de clichés de diffraction. Étant donné l’extrême intensité du faisceau de rayons X, chaque cristal impacté explose immédiatement après que l’information de diffraction a été collectée – d’où la nécessité de constamment renouveler l’échantillon dans cette technique dite de « cristallographie sérielle ». Pour observer des états intermédiaires entre les deux états statiques on et off, la réaction photochimique est provoquée dans la protéine par un flash laser lumineux déclenché à peine une picoseconde (un millième de milliardième de seconde) avant l’impact d’une impulsion de rayons X. C’est ainsi que les auteurs ont pu déterminer la structure transitoire de la protéine fluorescente dans son état excité, et observer le chromophore – la partie de la protéine qui absorbe la lumière – dans un état tordu (« twisté »), à mi-chemin entre les conformations stables des états on et off. Cette observation, confirmée par des simulations, a permis aux chercheurs d’émettre des hypothèses sur le mécanisme de photo-commutation de la protéine. Ces hypothèses ont ensuite pu être vérifiées grâce à la mutagénèse dirigée.
Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Chemistry.