L’oscillateur de Dirac prend chair
Des physiciens viennent de concevoir et réaliser expérimentalement un système physique décrit par un modèle théorique largement étudié pour ses propriétés abstraites, mais qui ne correspond à aucun système existant dans la nature : l’oscillateur quantique relativiste, encore appelé oscillateur de Dirac.
En physique, certains modèles théoriques, pourtant très éloignés de systèmes réels, présentent un grand intérêt, car ils sont explicitement solubles grâce, par exemple, à leur simplicité ou à des propriétés de symétrie. Grâce à ces modèles, les physiciens dégagent des comportements physiques universels, ou développent des méthodes d’analyse qui seront ensuite transposées à des systèmes plus complexes.
L’un de ces modèles, appelé oscillateur de Dirac, est étudié depuis les années 90, une image de ce système peut être une masse quantique ponctuelle, maintenue par un ressort idéal et oscillant à des vitesses relativistes. Exactement soluble, il a été très largement employé en physique théorique, dans les domaines nucléaires, des hautes énergies, de l’optique quantique...
Plutôt que de chercher à réaliser expérimentalement ce dispositif, des physiciens du Laboratoire de Physique de la Matière Condensée - LPMC (CNRS / Univ. Nice Sophia Antipolis), en collaboration avec une équipe mexicaine de théoriciens, ont réalisé un système physique reproduisant expérimentalement le spectre en énergie de cet oscillateur grâce à une chaîne de résonateurs microondes. Ce travail publié dans la revue Physical Review Letters est la première réalisation expérimentale de l’oscillateur de Dirac.
Le dispositif expérimental repose sur un réseau de céramiques diélectriques résonnant dans le domaine des micro-ondes. Ces résonateurs de forme cylindrique et de taille millimétrique placés entre deux plaques métalliques confinent en leur sein l’onde électromagnétique, laissant fuir une onde évanescente assurant un couplage entre proches voisins. Les physiciens ont disposé les résonateurs selon un réseau unidimensionnel, les distances entre plots voisins, et donc les couplages successifs obéissant à une loi particulière qu’ils ont déterminée. La chaîne ainsi formée possède un spectre fini d’excitations collectives que les auteurs de l’étude ont réussi à faire coïncider avec le spectre de l’oscillateur de Dirac.
Les résonateurs sont en fait distribués selon une chaîne de dimères, le couplage (i.e. la distance) entre deux membres d’un dimère est fixe, celui entre deux dimères voisins est variable. Selon le force relative du couplage intradimère et interdimère, il est possible de reproduire le spectre d’un oscillateur de masse nul (spectre comparable à celui du graphène) ou massif (spectre possédant une bande interdite).
Outre le fait d’avoir sorti l’oscillateur de Dirac de son statut de chimère théorique, cette étude montre qu’un cristal photonique constitue un matériau de Dirac aux propriétés de transport contrôlables via l’organisation spatiale.
Source : Institut de physique du CNRS