Cartographier le magnétisme à l’échelle des atomes avec un nanodiamant

En analysant la fluorescence d’un nanodiamant approché à quelques dizaines de nanomètres d’une surface, des physiciens en ont cartographié le magnétisme.

La résolution spatiale d’une cartographie de champ magnétique est limitée par la taille de la sonde utilisée. Les capteurs de champ de petite taille et de bonne sensibilité, tels que les microsondes à effet Hall ou les micro-SQUID, moyennent le champ sur une surface dont la taille est d’une centaine de nanomètres. Des physiciens du Laboratoire Aime Cotton - LAC (CNRS / Univ. Paris-Sud / ENS Cachan) et du Laboratoire de photonique quantique et moléculaire - LPQM (CNRS / ENS Cachan), dans une collaboration avec le Laboratoire de physique des solides - LPS (CNRS / Univ. Paris-Sud) viennent de mettre en œuvre un nouveau type de sonde d’une taille mille fois plus faible : le centre coloré d’un nanodiamant qu’ils ont fixé au bout de la pointe d’un microscope à force atomique afin de le déplacer quelques dizaines de nanomètres au-dessus de la surface à étudier. La fluorescence de ce centre coloré dépend fortement du champ magnétique auquel il est soumis, ce qui en fait un détecteur très sensible et de taille atomique. La remarquable sensibilité au champ magnétique de ce dispositif, jointe à sa résolution spatiale, devrait permettre à ce microscope de trancher des débats actuels sur la nature de certaines structures magnétiques, ou de révéler le magnétisme orbital de mésostructures. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications.

Les centres colorés du diamant sont des défauts d’un type particulier de la structure cristalline. A la place de deux atomes de carbone voisins se trouvent un atome d’azote et une lacune, c’est-à-dire une absence d’atome. Cette structure forme un atome artificiel dont la fluorescence varie de manière importante lorsqu’elle est excitée par un champ radiofréquence résonant. En présence d’un champ magnétique, cette fréquence de résonance varie d’environ 100 MHz par millitesla de champ appliqué selon l’axe reliant l’atome d’azote et la lacune. Les physiciens du LAC et du LPQM ont eu l’idée d’utiliser cette propriété, par ailleurs déjà bien connue et utilisée, pour réaliser un microscope magnétique d’un type nouveau. Après avoir choisi un nanodiamant d’une taille d’environ 20 nanomètres contenant un unique centre coloré, les chercheurs l’ont collé à la pointe d’un microscope à force atomique et illuminé par un faisceau laser vert. Ils ont placé ce dispositif sous un microscope optique permettant d’observer la pointe et de collecter la lumière de fluorescence du nanodiamant dans le vert tandis que celui-ci est soumis à une radio fréquence de fréquence variable. Les images, réalisées sur divers petits éléments magnétiques, démontrent la très grande sensibilité en champ magnétique de ce microscope, en révélant des détails jusqu’ici inobservés. Les chercheurs ont notamment utilisé ce dispositif pour cartographier à trois dimensions le champ magnétique produit par le vortex magnétique d’un petit objet magnétique en forme de carré et détecter le cœur de ce vortex. La limite de résolution spatiale de ce dispositif n’est maintenant plus dans la taille du capteur, de taille atomique (0.1 nm), mais dans la distance entre l’échantillon magnétique et la sonde. Les chercheurs tentent de réduire encore cette distance, actuellement un peu inférieure à 100 nm.

Source : Institut de physique du CNRS