Les « vagues scélérates » reproduites avec un laser

Des physiciens ont reproduit avec un laser un phénomène analogue aux vagues scélérates, c’est-à-dire un événement rare d’une intensité considérablement plus importante que la majorité des évènements. Pendant très longtemps, les modèles physiques de l’océan prévoyaient des hauteurs maximales d’une douzaine de mètres pour les vagues en pleine mer et l’existence de vagues d’une hauteur de 30 mètres était considérée comme impossible. Aujourd’hui de telles « vagues scélérates » ont été observées et mesurées, et le mécanisme de leur formation commence à être compris. Il subsiste toutefois des points à éclaircir afin de calculer leur probabilité d’apparition et de déterminer quels sont les systèmes susceptibles de produire de tels évènements. Dans un travail expérimental et numérique, des physiciens de l’Institut Non Linéaire de Nice (CNRS / Univ. de Nice), en collaboration avec des chercheurs au Brésil et en Espagne, ont montré qu’un système optique expérimental simple est capable de générer des impulsions extrêmement intenses, qui peuvent être considérées comme des "vagues scélérates optiques" du fait de leur rareté et de leur exceptionnelle amplitude. Ce travail, où est caractérisée la probabilité d’apparition de ces évènements, fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters http://dx.doi.org/10.1103/PhysRevLett.107.053901.

Le dispositif mis en place par les chercheurs est un laser à semi-conducteurs soumis à la lumière d’un second laser dont la fréquence et l’intensité peuvent être ajustées. En fonction des paramètres de contrôle, différents comportements ont été observés ; dans ce travail l’intérêt est porté sur la transition entre une situation où la fréquence émise est verrouillée à la fréquence d’injection et un régime chaotique. Cette instabilité est caractérisée par l’émission d’un rayonnement laser d’intensité irrégulière, constituée d’une succession de petites impulsions parmi lesquelles viennent parfois se glisser des impulsions beaucoup plus intenses interprétées par les auteurs comme des « vagues scélérates optiques ». Les simulations numériques associées à ce travail montrent que ces événements extrêmes ont une origine déterministe, et qu’ils apparaissent dans un régime de paramètres pour lequel la dynamique du système est chaotique. Cette percée ouvre de nouvelles perspectives pour l’interprétation de la formation de certains évènements extrêmes, et donc pour l’identification des mécanismes mis en jeu. Ces travaux montrent aussi l’existence d’une transition entre deux types de chaos : l’un dans lequel les événements extrêmes sont pratiquement inexistants, et l’autre dans lequel ces événements, bien qu’encore exceptionnels, apparaissent relativement fréquemment.