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Le spectrographe MUSE prêt à équiper le VLT

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MUSE a été sélectionné par le conseil de l’ESO, après trois ans de pré-étude, pour être l’un des 4 instruments de 2e génération du VLT. Ce Multi Unit Spectroscopic Explorer, est un spectrographe 3D avec un grand champ de vue et des performances exceptionnelles pour investiguer l’Univers lointain. Désormais assemblé et après plusieurs mois de tests, MUSE est sur le point de rejoindre sa destination finale sur le site du VLT à Paranal, au Chili.

En 2001, l’ESO (European Southern Observatory) publiait un appel à idées pour l’instrumentation de 2e génération du Very Large Telescope. L’objectif est de le doter d’une nouvelle génération d’instruments aux performances accrues, capable de maintenir le leadership de l’astronomie européenne dans le domaine des grands télescopes. Le CRAL (Centre de Recherche Astrophysique de Lyon), associé à 5 autres laboratoires européens, a ainsi proposé un concept de spectrographe 3D de nouvelle génération optimisé pour sonder l’Univers lointain, MUSE.

La spectrographie 3D est une technique inventée en France dans les années 1980 par une équipe de chercheurs des observatoires de Lyon et de Marseille. Elle permet d’observer simultanément tous les spectres d’une région du ciel, en ajoutant une 3e dimension aux images astronomiques. Elle a été utilisée avec succès pour observer le détail des galaxies de l’Univers proche.

Les spectrographes 3D font aujourd’hui partie de la panoplie standard de tout télescope moderne. La première génération d’instrumentation du VLT comporte trois instruments de ce type. Ils ont toutefois une limitation importante : ils ne permettent d’explorer qu’une toute petite partie du ciel. Par conséquent, ils ne peuvent observer que des objets déjà identifiés par d’autres moyens et ont un pouvoir de découverte réduit.

Des technologies optiques innovantes

MUSE doit couvrir un champ plus grand, et ainsi permettre un examen plus poussé de l’Univers lointain.

Pour obtenir les performances requises, l’instrument fait appel à nombre d’innovations technologiques tels que les découpeurs de champs. Ces dispositifs optiques réalisés par la société Winlight permettent de reformater l’image d’entrée en une série de petites fentes qui peuvent ensuite être imagées par un spectrographe.

MUSE est formé d’une constellation de 24 de ces modules, chacun constitué de centaines d’éléments optiques et mécaniques de très haute précision. Le tout est couplé à une optique adaptative de nouvelle génération. Ce système constitué de 4 étoiles lasers et d’un grand miroir déformable à plus de 1000 actuateurs - des ensembles de pistons qui contrôlent la surface du miroir pour le maintenir dans une forme optimale lors des observations, permettra d’améliorer la qualité d’image de MUSE en éliminant une grande partie des effets induits par la turbulence de l’atmosphère.

Une fois expédié au Chili, MUSE sera réassemblé puis monté sur la plateforme Nasmyth de Yepun, un des 4 télescopes de 8.2 m de diamètre. Ouvert au consortium et à la communauté astronomique, MUSE est prévu pour être exploité pendant une vingtaine d’années.

Comprendre la formation des galaxies

Un des grands objectifs de l’astronomie contemporaine est de comprendre comment se sont formées les galaxies il y a une douzaine de milliards d’années. Ces galaxies sont, en apparence, à la fois très petites et très peu lumineuses. D’autre part, la lumière que nous recevons d’elles est décalée vers l’infrarouge à cause de l’expansion de l’Univers. Trouver ces objets requiert donc une très grande sensibilité et une acuité sans précédent que les astronomes appellent le « pouvoir séparateur ».

Les jeunes galaxies sont formées de jeunes étoiles qui sont très lumineuses. La lumière qu’elles émettent n’est pas répartie uniformément selon la longueur d’onde (ou couleur), elle se concentre dans quelques raies caractéristiques : ce sont les raies de l’atome d’hydrogène, l’élément le plus abondant de l’Univers et le constituant majoritaire des étoiles. MUSE isolera ces raies et par conséquent sera capable de trouver et d’étudier ces jeunes galaxies.

La formation et l’évolution des galaxies, telles que le prévoient les modèles, résultent d’une interaction complexe entre la matière sombre qui remplit l’Univers, les étoiles et le milieu intergalactique. C’est dans ce domaine que MUSE, avec sa capacité à sonder l’Univers profond, est l’objet de nombreuses attentes.

Pour percer les mystères de l’Univers lointain, plusieurs stratégies seront exploitées :

  • l’instrument sera orienté vers le champ profond de Hubble,
  • vers des amas de galaxies afin de profiter de l’effet de lentille gravitationnelle (une amplification naturelle de la lumière qui est provoquée par la déformation de l’espace-temps au voisinage des amas de galaxies, qui permet de voir des galaxies beaucoup moins lumineuses), et sonder l’Univers encore plus profondément,
  • à proximité de quasars afin d’observer le milieu intergalactique éclairé par ces sources brillantes.

Un potentiel de découvertes

Les performances de MUSE trouveront bien d’autres applications. Le consortium va ainsi étudier et recenser les différentes populations d’étoiles qui se trouvent dans les galaxies spirales proches, observer le comportement des étoiles dans ces environnements très denses que sont les amas globulaires, et même traquer les trous noirs géants au centre des galaxies. Au delà du consortium, MUSE sera exploité par la communauté scientifique et d’autres champs seront explorés. Les performances de l’instrument s’exerceront ainsi sur d’autres sujets : des petits corps du système solaire aux objets les plus distants. A la clef de ce grand projet, des réponses sur l’origine des galaxies, mais aussi, sans doute, beaucoup d’autres questions.

Le projet MUSE est porté par 6 grands laboratoires de recherche européens et l’ESO : le Centre de Recherche Astrophysique de Lyon (CRAL - France) qui en est le pilote, l’Institut Leibnitz pour l’Astrophysique de Potsdam (AIP - Allemagne), l’Institut d’Astrophysique de Göttingen (AIG - Allemagne), l’Institut pour l’Astronomie de l’Ecole Polytechnique de Zurich (ETH - Suisse), l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie de Toulouse (IRAP - France) et l’Association de Recherche Hollandaise pour l’Astronomie à Leiden (NOVA - Pays-Bas).

Ce consortium regroupe ainsi plus d’une centaine de chercheurs et d’ingénieurs couvrant toutes les spécialités nécessaires à la réalisation et à l’exploitation de l’instrument : optique, mécanique, électronique, cryogénie, développement logiciel, traitement du signal, management, astrophysique instrumentale et théorique. Au-delà du consortium, de nombreux laboratoires en France et à l’étranger ont fourni de l’aide et de l’expertise pour réaliser ce grand projet : Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (France), Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (France), Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (France), Observatoire de Nice-Cote d’Azur (France), Laboratoire ICube de Strasbourg (France), Laboratoire Gipsa- Lab de Grenoble (France), Institut Kapteyn d’Astronomie de Groningen (Pays-Bas), Observatoire de Heidelberg (Allemagne).

La réalisation de MUSE a également fait appel aux industries de hautes technologies en Europe et dans le monde : Winlight System (France), e2v (Angleterre), Kaiser Optical System (Etats-Unis), Streicher (Allemagne), Balzers Coating (Luxembourg & Allemagne), Clappaz SARL (France), POG (Allemagne), MGS (France)

Le projet MUSE a bénéficié de l’aide de l’État et des collectivités territoriales pour le financement et la réalisation d’un hall d’intégration sur le site de l’Observatoire de Lyon à Saint-Genis-Laval.

Credit photo : ESO/C. Pontoni