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Préserver l’information quantique dans un nanocristal de semiconducteur

Facilement synthétisés, et déjà utilisés notamment comme sondes locales en biologie ou pour la nanoélectronique ou la photonique, les nanocristaux semiconducteurs souffrent d’un défaut. Les vibrations acoustiques du réseau cristallin perturbent les états électroniques excités dans ces « atomes artificiels ». Des physiciens bordelais du Laboratoire Photonique Numérique et Nanosciences - LP2N (CNRS / Université Bordeaux 1 / Institut d’Optique Graduate School) et un chercheur du Laboratoire Ondes et Matière d’Aquitaine - LOMA (CNRS - Université Bordeaux 1) ont mis en évidence récemment pour la première fois une propriété unique des nanocristaux de semiconducteur : le phénomène de « goulot d’étranglement de phonons acoustiques ».

Les nanocristaux se comportent pour les ondes acoustiques comme un instrument musical de percussion : ils n’oscillent qu’à certaines fréquences bien précises et, si le cristal est assez petit, la fréquence minimale de vibration est plus grande que les fréquences acoustiques susceptibles de perturber les états excités du nanocristal. Dans ce travail publié dans la revue Nature Communications, les chercheurs ont mis en évidence expérimentalement cette propriété absente dans les nanocristaux obtenues par auto-assemblage sur un substrat. Pour ces dernières, les vibrations acoustiques peuvent prendre toutes les valeurs de fréquence car elles reposent sur un morceau macroscopique de matière. Pour obtenir ces résultats, les physiciens ont utilisé des nanocristaux façonnés spécifiquement par leurs collaborateurs chimistes australiens de l’Université de Melbourne. Ce sont des nanocristaux à double coque composés d’un coeur semiconducteur de séléniure de cadmium enrobé d’une première coque de sulfure de cadmium et d’une seconde coque de sulfure de zinc. Ils ont été conçus de manière à produire efficacement, sous l’effet d’une excitation laser, un complexe de trois charges appelé «trion» composé soit de deux trous et un électron soit de deux électrons et un trou. Ces nanocristaux, dispersés à très faible concentration (nanomolaire) dans une couche de polymère, sont soumis à une température qui peut être choisie entre 2 kelvins et la température ambiante et un champ magnétique pouvant atteindre 7 teslas.

Pour se débarrasser des effets de moyenne inhérents aux méthodes de spectroscopie optique conventionnelles, les chercheurs ont développé des méthodes de microspectroscopie optique ultrasensibles pour étudier les nanocristaux à l’échelle du nano-objet individuel. L’effet d’inhibition de la relaxation du spin du trion a été observé dans des nanocristaux refroidis à la température de l’hélium liquide, où les raies d’absorption et d’émission de photons deviennent très fines, ce qui permet une spectroscopie optique de haute résolution spectrale. Lors de cette étude les chercheurs ont en outre obtenu de nombreuses informations sur l’état de trion. Ils ont montré que dans ces nanostructures aux températures de l’hélium liquide, la recombinaison des trions est purement radiative avec une finesse spectrale remarquable, leur permettant d’accéder pour la première fois aux propriétés magnéto-optiques du trion à l’échelle de l’objet individuel. La mise en évidence de l’effet de « goulot d’étranglement de phonons acoustiques » devrait ouvrir de nouvelles voies de recherche pour ces nanostructures dans les technologies de l’information quantique basées sur le contrôle cohérent optique de l’état de spin.

Source : Institut de physique du CNRS