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Des atomes froids pour comprendre la dynamique des électrons du graphène

Lorsque l’onde quantique associée à un électron se propage dans un cristal, des effets d’interférence multiple modifient la dynamique de l’électron. En général, tout se passe comme si la masse de l’électron dans le cristal avait une valeur différente de sa masse dans le vide. Mais dans certaines situations, notamment pour les feuilles de graphène, apparaît un phénomène particulier : quelque soit leur énergie, les électrons se déplacent toujours à la même vitesse, comme si leur masse était nulle. Des physiciens du Laboratoire de Physique des solides viennent d’expliquer théoriquement comment se produit la transition entre cette situation et le comportement « normal » lorsque l’on change les caractéristiques du réseau cristallin. Ce travail publié dans la revue Physical Review Letters permet de caractériser ce phénomène et produit des résultats en accord avec une expérience réalisée récemment à l’ETH de Zurich simulant cette transition avec des atomes froids placés dans un réseau optique.

Pour étudier les propriétés d’un électron dans un cristal, les physiciens déterminent la relation entre la quantité de mouvement de cet électron et son énergie cinétique. En général, cette énergie cinétique est proportionnelle au carré de la quantité de mouvement, mais le coefficient de proportionnalité (l’inverse de la masse) est différent de sa valeur dans le vide. Les physiciens résument cette propriété en considérant que dans un cristal, l’électron a une masse effective différente de sa masse dans le vide. Dans certaines conditions, notamment pour le graphène, il peut apparaître une singularité topologique appelée « cône de Dirac » qui a pour conséquence que l’énergie cinétique de l’électron est alors simplement proportionnelle à sa quantité de mouvement. Cela signifie que l’électron a toujours la même vitesse, quelque soit son énergie. Le parallèle avec les photons, qui se propagent toujours à la même vitesse et dont l’énergie est proportionnelle à la quantité de mouvement, conduit à dire que les électrons ont alors une « masse effective nulle ». Si l’existence de ce phénomène était bien connue en matière condensée, la rigidité des réseaux cristallins ne permet pas de les déformer suffisamment pour observer la transition entre électron « normal » et électron de « masse effective nulle ». Pour mettre cette transition en évidence, il est en revanche possible d’utiliser un gaz d’atomes ultra-froids se déplaçant dans un paysage à deux dimensions modelé par des faisceaux lasers pour créer une sorte de « graphène artificiel ». Les atomes jouent alors le rôle des électrons et les faisceaux lasers ceux du réseau cristallin du graphène. La géométrie de ce dernier est modifiable continument en changeant l’intensité relative des lasers qui le constituent. C’est en accélérant les atomes et en mesurant des probabilités de transfert entre états quantiques qu’il est possible de détecter la transition entre un comportement correspondant à des particules quantiques de masse effective nulle et un comportement de particules de masse effective non nulle. Les théoriciens du LPS ont donné une explication de ce phénomène, grâce au modèle mis au point dans le même groupe il y a quelques années. Ils ont calculé les probabilités mesurées dans l’expérience en fonction de la direction de l’accélération, et ont ainsi confirmé le scénario proposé. Ce travail permet maintenant d’envisager l’étude de particules hybrides pour lesquelles la masse effective s’annule dans une seule direction, un phénomène se produisant juste au passage de la transition.

Source : CNRS