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L’industrie photonique française au coeur des recherches menées sur Mars par le robot Curiosity
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- Publié le mardi 15 octobre 2013 12:38
Lancé à l’automne 2011 au sein du robot Curiosity, l’appareil scientifique CHEMCAM, destiné à déterminer la composition chimique des roches présentes sur Mars, met en œuvre une technologie parmi les plus pointues, la LIBS (laser induced breakdown spectroscopy). Les entreprises photoniques françaises sont intervenues en nombre dans le développement de cet instrument, grâce à un savoir-faire et une expertise souvent uniques au monde.
Le laser, cœur de l’instrument CHEMCAM
Pièce maîtresse de l’instrument, le laser, développé par la société Thales Optronique, s’appuie sur plusieurs composants cruciaux, eux aussi issus du tissu industriel français. Coordonnés par les ingénieurs de Thales, ils ont permis d’offrir à CHEMCAM un laser unique, répondant aux contraintes particulières des projets spatiaux.
Les diodes de pilotage constituent en quelque sorte le premier étage du laser. Elles fournissent la première impulsion lumineuse, qui sera ensuite modifiée au cœur du laser afin de permettre le travail dans les conditions extrêmes présentes sur Mars avec une excellente fiabilité.
La société Cristal Laser intervient dans l’étape suivante qui consiste à modifier les caractéristiques de l’impulsion afin de la rendre compatible avec les contraintes de la technologie LIBS (laser induced breakdown spectroscopy) utilisée pour l’analyse des roches. Le composant fourni par Cristal Laser, une cellule de Pockels, est basé sur deux cristaux de RTP (rubidium titanyle phosphate), capables de fournir une réponse indépendante des variations des conditions d’utilisation, notamment de la température.
Autres éléments importants de ce laser, les différents miroirs et lentilles chargés de mettre en forme l’impulsion lumineuse et le hublot qui transmet l’impulsion à l’extérieur de l’instrument. Pour ces composants optiques, la maîtrise de leurs dimensions (au micron près), de la qualité de leur surface (de l’ordre de l’Angström – 10-10 mètres), de la tenue de leurs revêtements à l’environnement spatial et la précision de leur positionnement (encore au micron près) constituent des défis technologiques majeurs : les sociétés Optique de Précision J. Fichou et Tofico, spécialistes du polissage et des revêtements optiques ont pu les relever en s’appuyant sur leur longue expérience.
Un instrument d’analyse au sommet de la technologie
Mais émettre une impulsion laser n’est que la première étape de l’instrument ! L’impulsion produit, au contact des roches, un plasma dont les caractéristiques fournissent des indications sur la composition chimique des roches. Il faut donc que CHEMCAM soit aussi capable d’analyser ce plasma. C’est dans cette étape que le composant fournit par la société Cilas intervient : sa lame dichroïque est en effet capable de séparer la lumière du laser de celle réémise par le plasma. Cette fonction optique complexe a été rendue possible grâce à l’utilisation d’une technologie de fabrication appelée Dépôt assisté par faisceau d’ions - IAD (ion assisted deposition), technologie particulièrement délicate à maîtriser.
Pour s’assurer que tous ces éléments, pris indépendamment mais aussi dans leurs interactions, allaient être capables de travailler dans l’environnement de Mars (températures et pressions extrêmes, variations importantes et rapides, rayonnements électromagnétiques et X particulièrement perturbants), une batterie de tests notamment du suivi en continu de grandeurs électriques, optiques et thermiques a été développée et menée par la société AdvEOTec. Ces tests ont servis de plus à la sélection des composants finalement embarqués dans CHEMCAM.
L’instrument CHEMCAM, pièce maîtresse du robot Curiosity
Un projet international ambitieux
Curiosity est un véhicule d’exploration qui s’intègre au sein de la mission MSL (Mars Science Laboratory), mission de la NASA destinée à déterminer si la vie a été possible sur Mars, à caractériser son environnement climatique et géologique et à poser les premiers jalons d’une éventuelle exploration de Mars par l’homme.
Curiosity s’est posé avec succès sur Mars le 6 août 2012 : les dix instruments scientifiques qui le composent travaillent depuis à la récolte et à l’analyse de données. Objectif : dresser un panorama précis des conditions rencontrées aujourd’hui sur Mars, et fournir des indications sur les conditions qui ont pu exister auparavant.
Une forte implication française
La France a joué un rôle important dans la préparation du robot Curiosity avec des contributions importantes dans deux instruments : CHEMCAM (Chemistry Camera) et SAM (Sample Analysisat Mars). La maîtrise d’ouvrage de cette contribution française a été assurée par le CNES. Au sein de l’instrument CHEMCAM, un responsable français, Silvestre MAURICE, chercheur à l’IRAP (Institut de recherche en astrophysique et planétologie), a coordonné la partie appelée « Mast Unit ».
Une première mondiale
CHEMCAM représente, par rapport aux instruments déployés précédemment sur Mars, une avancée technologique majeure. En effet, pour la première fois, un instrument est capable d’analyser les roches à distance, réduisant de façon drastique le temps nécessaire à leur caractérisation.
CHEMCAM se compose en effet d’un laser capable de créer, jusqu’à une distance de 9 mètres, un plasma lumineux à la surface des roches qu’il vient de frapper, puis de récupérer et d’analyser ce plasma. Cette technique, appelée LIBS (laser induced breakdown spectroscopy), est ainsi utilisée pour la première fois en milieu spatial. Elle permet de déterminer en fonction des longueurs d’onde lumineuses contenues dans le plasma la composition des roches frappées par le laser. Cette analyse permet de choisir les roches qui feront ensuite l’objet d’une « récolte » pour une caractérisation plus approfondie.
Des premiers résultats conformes aux attentes
Le 21 août 2012, CHEMCAM a réalisé son premier tir laser sur Mars, et a ainsi récolté les premières données concernant la roche visée. Depuis, les tirs se sont succédés et CHEMCAM a fourni de nombreux spectres de roches, apportant de précieuses informations sur l’état actuel et l’évolution au cours du temps de l’environnement martien.
AdvEOTec : la validation des composants optoélectroniques
Spécialiste de la mesure de l’optoélectronique et de l’optoélectronique pour la mesure, AdvEOTec valide des composants optoélectroniques pour des environnements exigeants. Avec bientôt 10 ans d'expertises et de services, AdvEOTec dispose de laboratoires d’essais et de mesures ainsi que d'accès privilégiés à des moyens plus spécifiques : radiation, analyse de construction…
AdvEOTec développe de nouveaux moyens (tests et mesures sous vide secondaire et en température, méthodes de tests non destructives, …) qui contribuent au succès des différentes missions spatiales auxquelles elle a participé. Dans le cas de l'instrument CHEMCAM, AdvEOTec a mis en œuvre une grande variété de tests avec le suivi en continu de grandeurs électriques, optiques et thermiques, permettant au final la sélection du composant le plus apte à remplir la mission sur Mars.
Cilas : des composants pour des fonctions optiques complexes
Filiale d'EADS Astrium qui conçoit des produits associant le laser et l’optique (appareils de télémétrie, miroirs adaptatifs, dépôts de couches minces, amplificateurs lasers pour le Laser Mégajoule…), Cilas a étudié, réalisé et qualifié plusieurs composants pour l'optique de focalisation de l’instrument CHEMCAM, et en particulier la dichroïque laser. Ce composant clé permet de séparer avec précision la longueur d'onde infrarouge du laser et les raies spectrales correspondant à chacun des éléments fondamentaux dans les domaines ultraviolet et visible (carbone, baryum, fer, aluminium, cuivre, azote etoxygène), cette séparation constituant la première étape de l’analyse de la roche.
Cette fonction optique complexe a été mise au point sur un bâti de traitement en technologie IAD (ion assisted deposition), équipé d’un contrôle optique in-situ. Après un banc de tests rigoureux simulant l’environnement martien, l’insensibilité des propriétés optiques au passage air-vide, la stabilité de la cosmétique et la tenue au flux ont été établies.
Cristal Laser : des cristaux complexes pour transformer la lumière
Cristal Laser, dont le coeur de métier est la synthèse de cristaux pour l’optique non linéaire, a participé au projet CHEMCAM en fournissant la cellule de Pockels du laser. Cette cellule est composée de deux cristaux de RTP (rubidium titanyle phosphate) qui offrent l’avantage d’une bonne tenue au flux et d’une relative insensibilité aux variations de température.
Fruit d’une collaboration active entre la société Thales et le CNES à Toulouse, la cellule a fait l’objet d’une qualification méthodique de tous ses éléments : colle, support mécanique en titane recevant les cristaux et câbles électriques.
Ces tests (adhérence, endommagement, durée de vie, irradiation de neutrons, cycle thermique) ont permis de valider les choix initiaux et de sélectionner au total six cellules pour les différentes étapes du projet (qualification, modèle de vol, cellule de réserve).
Optique de Précision J. Fichou / Tofico : des composants optiques de haute précision
La société Optique de Précision J. Fichou a fourni, pour l’instrument CHEMCAM, le collecteur de la lumière émise par la diode (l’entonnoir), le coupleur optique présent dans la cavité du laser, la lame d’onde et le hublot de sortie. Tous ces composants ont été définis par la société Thales, fabriqués par Optique Fichou et traités, par revêtements, par la société Tofico. Le défi pour ces deux sociétés était d’une part de respecter les précisions spécifiées (tolérances de l’ordre du micron pour les dimensions et au niveau de l’angström pour la qualité de la surface) et d’autre part de réaliser, sans perdre ces précisions, des traitements résistants à l'environnement spatial.
Quantel : des diodes qualifiées pour l’environnement spatial
Quantel, fortement impliquée dans les programmes spatiaux comme Curiosity (Mars), LOLA (Lune) ou Aladin-ATLID (EarthCare), a développé des diodes quasi continues pouvant fonctionner à des températures extrêmes. Ces diodes laser sont conçues pour opérer dans des environnements sévères (mécanique, température ou radiation), notamment spatiaux (Lune, planète Mars).
Quantel a été sélectionnée pour développer et qualifier des diodes pour le laser ChemCam, qui a fait l’objet d’un développement commun entre la France et les Etats-Unis. Les diodes Quantel utilisées sont qualifiées pour le spatial par la NASA, le CNES et l’ESA. Une année de tests a été nécessaire pour garantir la fiabilité de ces diodes.
Thales Optronique : la coordination du laser, coeur de l’instrument CHEMCAM
Au sein du projet CHEMCAM, Thales Laser (puis Thales Optronique après l’absorption de Thales Laser) était en charge du développement du laser de puissance. A partir d’un système existant, les recherches avaient notamment pour but d’alléger le système, de trouver un moyen de le refroidir de façon passive et de le rendre opérationnel et fiable en environnement martien.
Dans des délais très courts pour ce type de projet, Thales et ses sous-traitants ont développé au total six lasers, depuis le prototype fonctionnant au sol jusqu’au modèle de vol. Pour répondre aux exigences de délai, la présence de nombreux sous-traitants français a été, au-delà de leurs compétences, un atout important.
Source : AFOP