Une nanoantenne optique contrôlée par la pointe d’un microscope à effet tunnel
Des physiciens ont développé une nanoantenne optique excitée électriquement par la pointe d’un microscope à effet tunnel. Ils ont montré que la position de la pointe sur la nanoantenne permet de contrôler la direction dans laquelle celle-ci émet. Les nanoantennes optiques sont des dispositifs inspirés des antennes radiofréquences servant aux télécommunications, dont les dimensions ont été adaptées au domaine optique, c’est-à-dire réduites à des tailles typiques d’une fraction de micromètre. Ces antennes envoient ou reçoivent des signaux lumineux dans une direction bien déterminée. Ce sont généralement des nanostructures en or ou en argent qui émettent de la lumière suite à l’excitation de leurs plasmons de surface, c’est-à-dire des modes d’oscillation de leurs électrons de conduction.Dans la plupart des études réalisées jusqu’ici, ces plasmons sont excités par de la lumière et il est rarement possible de pouvoir modifier la direction d’émission des nanoantennes. De plus, l’utilisation de la lumière comme mode d’excitation rend difficile l’intégration de ces nanoantennes dans un microcircuit électronique.
Récemment, une solution originale a été publiée dans la revue Nano Letters (DOI: 10.1021/nl401874m) par une équipe de physiciens de l’Institut des Sciences Moléculaires d’Orsay - ISMO (CNRS / Université Paris-Sud), en collaboration avec une chercheuse physico-chimiste du Laboratoire Francis Perrin - LFP (CNRS/CEA). Cette solution consiste à exciter les nanoantennes optiques avec du courant électrique, en exploitant un phénomène nommé effet tunnel inélastique. Cette technique est compatible avec la microélectronique car elle fonctionne avec des courants électriques inférieurs au nanoampère et à une tension électrique de 3 volts.
De plus, elle permet un plus grand contrôle de la direction d’émission des nanoantennes. Les chercheurs ont réalisé une nanoantenne optique à partir d’une nanoparticule d’or de forme triangulaire d’une taille de 130 nm, synthétisée par voie chimique au LFP et déposée sur une surface transparente conductrice d’ITO (oxyde d’indium - étain). Pour activer l’émission de lumière, la pointe très fine d’un microscope à effet tunnel est approchée de la nanoparticule d’or. Les électrons passant de la pointe à la nanoparticule par effet tunnel perdent une partie de leur énergie en excitant les plasmons de surface de la nanoparticule : c’est l’effet tunnel inélastique. La relaxation de ces plasmons produit ensuite de la lumière.
Pour cette expérience, les chercheurs de l’ISMO ont développé un montage original couplant un microscope à effet tunnel à un microscope optique, qui permet d’analyser la lumière émise par la nanoparticule à travers la surface d’ITO. De cette façon, ils ont montré que la position latérale de la pointe au-dessus de la nanoparticule d’or détermine la direction d’émission et la polarisation de la lumière émise. Ce phénomène s’explique par le caractère extrêmement localisé de l’excitation électrique par effet tunnel qui permet d’exciter sélectivement différents modes plasmon de la nanoparticule d’or. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives avec l’intégration de jonctions tunnel dans les microcircuits électroniques pour le transport de l’information par la lumière.
Source : Institut de physique du CNRS