Une excitation lumineuse qui résiste à la diffusion

Une équipe de physiciens et de neurobiologistes vient de mettre au point une méthode robuste pour illuminer sélectivement des cellules vivantes en profondeur malgré la diffusion de la lumière par les tissus biologiques.

Exciter sélectivement des cellules telles que les neurones au coeur d’un tissu biologique avec une impulsion lumineuse demande de surmonter le phénomène de diffusion. Les solutions de l’optique adaptative, qui consistent à précompenser les distorsions, requièrent l’adaptation des corrections à chaque échantillon et ne sont pas assez rapides pour des applications telles que la neurostimulation. Des chercheurs du laboratoire Neurophysiologie et nouvelles microscopies - NNM (CNRS / INSERM / Univ. Paris Descartes), de l’Institut Weizmann (Rehovot, Israel) et du Laboratoire de physiologie cérébrale (CNRS / Univ. Paris Descartes), viennent de montrer que les techniques qu’ils avaient mises au point pour adresser sélectivement des neurones au coeur de tissus biologiques par excitation multiphotonique ont intrinsèquement une robustesse qui leur permet d’avoir raison de la diffusion. Ce travail est publié dans la revue Nature Photonics.

Les récents progrès de l’optogénétique ouvrent la voie à l’utilisation de la lumière non seulement comme outil d’observation de l’activité fonctionnelle du cerveau, mais aussi comme moyen d’action sur celuici par le biais de l’activation et/ou de l’inhibition des neurones. Pour exciter sélectivement par la lumière, soit une portion de cellule, soit un ensemble de cellules, les physiciens de l’équipe « microscopie à modulation du front d’onde » du NNM en collaboration avec l’équipe de Dan Oron à l’institut Weizmann ont combiné deux approches. Le profil transverse du faisceau est sculpté grâce à la méthode dite de contraste de phase généralisé. Afin de ne pas exciter tout un tube, la sélectivité en profondeur est assurée par une focalisation temporelle. Comme les diverses couleurs qui composent l’impulsion lumineuse ne se propagent pas dans les tissus à la même vitesse, il suffit, lors de l’émission, d’avancer la partie la plus lente de l’impulsion et de retarder la plus rapide. De la sorte, les diverses composantes arrivent au même instant à la profondeur souhaitée tandis qu’elles se succèdent aux autres profondeurs.

Dans ce travail, les chercheurs ont montré que les faisceaux mis en forme par la technique de la focalisation temporelle sont très robustes vis-à-vis de la diffusion et que la forme 3D définie reste quasi-intacte après propagation jusqu’à une profondeur de quelques centaines de microns. Ils ont aussi donné l’explication physique de cette robustesse. Enfin, en combinant cette approche avec des mesures d’électrophysiologie patch-clamp (en collaboration avec B. Stell et J. Bradley du Laboratoire de Physiologie cérébrale) ils ont aussi démontré la possibilité de photoactiver des canaux optogénétiques à des profondeurs supérieures à 200 μm avec une précision correspondant à une cellule unique. Ces résultats montrent que, du fait de leur grande robustesse, les faisceaux mis en forme avec focalisation temporelle sont très prometteurs pour les applications en optogénétique biphotonique in vivo.

Source : Institut de physique du CNRS