Le spectrographe SOPHIE identifie des candidats-planètes

A l’aide du spectrographe SOPHIE installé sur le télescope de 1,93 m de l’Observatoire de Haute-Provence, une équipe menée par des chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille a identifié dix nouvelles planètes ainsi que cinq nouvelles naines brunes et étoiles de très faible masse parmi une sélection de candidats-planètes détectés par le satellite américain Kepler. Ils ont également pu mesurer la proportion de fausses planètes géantes cachées dans les données du satellite de la NASA.

Le satellite de la NASA Kepler a identifié plus de 2300 candidats planètes en observant la baisse de luminosité d’une étoile lorsqu’une exoplanète passe devant, comme lors du passage de Vénus devant le Soleil le 6 juin dernier. Cette baisse de luminosité, appelée transit, peut être expliquée par d’autres phénomènes astrophysiques, impliquant plusieurs étoiles. Lorsque le satellite Kepler identifie des transits, il est donc nécessaire de déterminer si ces transits sont dus à des exoplanètes ou à des systèmes stellaires. L’une des méthodes possibles pour déterminer l’origine de ce phénomène est de mesurer la variation de vitesse radiale de ces étoiles influencée par la présence d’un compagnon.

« Nous avons utilisé le spectrographe SOPHIE de l’Observatoire de Haute-Provence pour notre campagne d’observation. SOPHIE est en effet l’un des instruments les plus performants au monde pour effectuer ce type de mesure. Nous avons ainsi été capables d’élucider la nature des candidats-planètes détectés par Kepler, notamment, en mesurant la masse des objets en transit », précise Alexandre Santerne, doctorant au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille. Grâce à leur campagne, cette équipe d’astronomes a découvert des objets de natures très différentes :

- Des jupiters chauds : dix nouvelles planètes ont été trouvées avec des masses comparables à celle de Jupiter et orbitant très proches de leur étoile, ce qui leur confère une très grande température. L’année sur ces planètes ne dure que quelques jours. La plus chaude de ces dix planètes détectées par SOPHIE, KOI-196 b (Kepler-41 b), aurait une température supérieure à 1500 °C. D’autres, comme la planète KOI-206 b, possèdent une orbite très elliptique, malgré sa très courte période orbitale. La planète KOI-428 b (Kepler-40 b) est en orbite autour d’une étoile en fin de vie qui est deux fois plus grosse que le Soleil. Ces planètes viennent compléter les 63 confirmées déjà découvertes par l’équipe Kepler.
- Des naines brunes et des étoiles de très faible masse : les naines brunes ont un rayon comparable à celui de Jupiter mais sont plus de 20 fois plus massives. Elles sont la clé de voute entre les planètes et les étoiles, mais sont également très rares : seulement une poignée de ces objets avait été détectée en transit devant leur étoile, dont deux déjà découverts par des chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille grâce au satellite CoRoT du CNES. L’équipe marseillaise a pu déterminer la masse et le rayon de cinq nouvelles naines brunes et étoiles de très faibles masses comprises entre 18 et environ 120 fois la masse de Jupiter.
- Des étoiles binaires et des systèmes triples : ces objets ont une masse supérieure à environ 100 fois la masse de Jupiter (soit environ 10 % de la masse du Soleil) mais il n’est pas possible de les distinguer des planètes à partir des données Kepler seules. Grâce au spectrographe SOPHIE, les astronomes ont réussi à identifier ces candidats imposteurs. Une étude indépendante américaine avait estimé que seulement 5 % des 2300 candidats-planètes de Kepler étaient de tels imposteurs. Cependant, l’étude dirigée par des chercheurs du laboratoire d’Astrophysique de Marseille indique une proportion plus grande, proche de 35% pour les candidats planètes géantes. « Cela doit être pris en compte pour les études statistiques réalisées à partir des candidats-planètes détectés par Kepler », précise Alexandre Santerne. Cependant, « cette proportion d’imposteurs ne s’applique pas nécessairement aux plus petits candidats-planètes (environ 90% des candidats Kepler) ainsi qu’aux candidats en système multiple (environ 30 % des candidats Kepler) », relativise Claire Moutou, directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille.

« Ces nouvelles planètes apportent de nouvelles pierres pour la compréhension de la formation et de l’évolution des planètes. Les naines brunes sont quant à elles la clé pour comprendre la différence entre les planètes massives et les étoiles », conclut Rodrigo Díaz, post-doc CNES au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille.

Ces résultats ont été présentés le 31 août 2012 à Pékin à l'occasion de l'Assemblée Générale de l'Union Astronomique Internationale. Ils font également l'objet de plusieurs articles publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics :

  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates II. KOI-428 b: a hot Jupiter transiting a subgiant F-star par A. Santerne et al., 2011
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates. III. KOI-423b: an 18 MJup transiting companion around an F7IV star par F. Bouchy et al., 2011
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates. IV. KOI-196b: a non-inflated hot Jupiter with a high albedo par A. Santerne et al., 2011
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates. V. The three hot Jupiters KOI-135b, KOI-204b, and KOI-203b (alias Kepler-17b) par A.S. Bonomo et al., 2012
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates VI. A false positive rate of 35% for Kepler close-in giant exoplanet candidates par A. Santerne et al., 2012
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates VIII. Five new hot Jupiter : KOI-200 b, KOI-202 b, KOI-206 b, KOI-614 b, KOI-680 b par G. Hébrard et al., en préparation
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates IX. KOI-189 b and KOI-686 b : longperiod very low-mass companions to solar-type stars par R.F. Díaz et al., en préparation
  • SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates X. KOI-205 b and KOI-554 b : two new transiting brown dwarfs par R.F. Díaz et al., en preparation